De Fabien Bertin, enseignant (59)

Il y a des moments où tout semble logique, où chaque élément paraît cohérent, simple et limpide, où toutes les pièces s’assemblent pour former un tout. C’est un peu ce que j’ai ressenti en sortant de ma formation sur Backstage Game.

Les jeux ne forment pas que la jeunesse.

Le temps passe vite. Cela fait déjà 9 ans que j’enseigne l’anglais dans des collèges des Terres du Nord (je trouve que ça sonnait mieux que Hauts-de-France, mais bon), et 5 ans que j’ai un poste fixe dans le même établissement. Et j’ai la chance de travailler en collaboration avec une équipe administrative qui soutient nos projets, des plus ambitieux aux plus farfelus. Et comme je cultive auprès de ma hiérarchie, de mes collègues et de mes élèves une image totalement décalée, j’étais assez content lorsque ma directrice m’a transmis différentes informations afin de participer à une formation concernant un serious-game, Backstage Game, au collège Joliot Curie de Lallaing, près de Douai, à la fin du mois de Mars. Cette journée fut animée par Pascal Chaumette, directeur en charge du développement du jeu, et qui a accueilli des enseignants de tous horizons, venant de Lycées Pro, de collèges ou enseignant en SEGPA… Le principe m’a tout de suite séduit, comme s’il me susurrait des mots doux au creux de mon oreille de sa voix suave : utiliser un jeu vidéo pour permettre aux élèves de réfléchir à une démarche de projet, à prendre conscience de leur environnement proche et des différents intervenants à rencontrer. L’idée est alléchante, même si je ne savais pas vraiment comment incorporer ça dans ma matière. Mais après tout, c’est à ça que sert une formation. Et celle-ci n’a pas menti sur son sous-titre :  « développer l’esprit d’entreprendre ». En sortant de cette journée, j’ai compris que j’étais le cœur de cible, et que ce sous-titre me correspondait à merveille.

L’envers du décor

Faisons un point sur le jeu, Backstage Game ( http://www.backstage-game.com/ ). Il s’agit d’un jeu Flash gratuit se jouant dans le navigateur, développé par le studio CCCP, situé à Valenciennes, pour le compte de la société ID6. Cette dernière cherche à valoriser les jeunes, à leur faire prendre conscience de leurs compétences et à les pousser à innover, à s’investir dans un groupe et dans des projets plus ou moins ambitieux. Ici, Backstage Game commence par la création de son avatar, assez sommaire, et un choix de style musical.

 

Une fois cette étape passée, le personnage se lance un défi : créer une salle de concert et faire venir son groupe préféré sur scène. Et on se retrouve devant une carte en 2D isométrique, aux couleurs agréables à l’oeil, et avec des personnages au look manga assez plaisant. Avec l’aide d’un PNJ, le joueur se rend progressivement compte que lancer un tel projet ne s’improvise pas : il faut en effet contacter les assureurs, collecter des fonds, obtenir telle ou telle a

utorisation, gérer les normes de sécurité etc. Et ceci, tout en améliorant sa salle de concert. En effet, à chaque mission remplie, le joueur obtient des points de coolitude (pour acheter des tonnes de vêtements, coiffures, tatouages, piercings, mais également pour débloquer des indices quant à la marche à suivre), et des plans d’architectes et des briques. Les plans permettent d’acheter des portions de la salle, chaque portion débloquant une zone (accueil, vente de merchandising, toilettes, loges…), tandis que les briques servent à améliorer chaque zone. Il y a trois niveaux d’amélioration par zone, ce qui coûte très cher en briques, mais chaque mission réussie récompense généreusement le joueur. D’après Pascal Chaumette, il faut compter entre 6 et 8 heures de jeu pour parvenir à améliorer sa salle au niveau maximum. Toutefois, jouer gratuitement à une limite : on ne peut jouer que 25 minutes par jour, ce qui peut se montrer frustrant. Cependant, il est possible d’acheter une licence professionnelle afin qu’un enseignant puisse utiliser le jeu dans sa classe sans limite de temps. Et c’est là, en jouant en présentiel, que le jeu prend toute sa valeur.

Une explosion d’idées

A mesure que la journée défilait, en écoutant les explications de Pascal Chaumette et en discutant avec les autres enseignants présents, je me suis rendu compte d’une chose : ce jeu m’a donné envie. Envie d’innover, envie d’essayer… Envie d’entreprendre… En effet, même si l’intérêt d’utiliser Backstage Game dans ma matière seule est limité, cette formation m’a ouvert les yeux : en prenant le jeu comme support, je me vois l’utiliser dans un EPI (Enseignements Pratiques Interdisciplinaires, durant lesquels des enseignants de matières différentes font cours en même temps autour d’un même thème) en collaboration avec les profs d’Éducation Musicale et d’Arts Plastiques, afin de présenter les grands concerts comme Woodstock et analyser les affiches et flyers publicitaires pour ce type de rassemblement. Je me vois également l’utiliser afin de donner la chance à des élèves de se lancer dans un projet d’envergure…Par exemple, des élèves ayant déjà utilisé Backstage Game se sont aventurés dans la mise en place d’un cinéma à ciel ouvert dans leur ville. D’autres ont structuré, budgétisé et mis sur pieds une sortie dans un parc d’attraction. D’autres encore ont créé un partenariat avec des associations étrangères afin de venir en aide aux plus démunis. Les possibilités sont quasiment infinies, et seule l’imagination des élèves peut poser des limites. Alors bien sûr, tout ne va pas se faire d’un claquement de doigt, cela demande de l’investissement, de la volonté et de la rigueur, et le jeu-vidéo n’est là que pour prévenir les élèves des difficultés qu’ils pourront rencontrer dans leur démarche de projet, en étant un support, rien de plus. Mais en ce qui me concerne, cette journée m’a donné envie d’entreprendre.

 

 

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